Entre-Actes
Révélateur et unificateur
Entre-Actes révèle le potentiel d’interaction et d’expression de ces entre-deux à l’entrée des commerces. Articulant un nouveau rapport des usagers à leurs pratiques quotidiennes, il constitue une architecture amplificatrice de possibilités pour des espaces publics qui cherchent à interagir avec les utilisateurs. Débutant par une intervention ponctuelle mais avec un fort potentiel urbain, ce nouveau seuil entame le retissage social et physique de ces lieux de consommation déconnectés du tissu de Québec.
Bibliographie
FELLMANN, T. et B. MOREL, 1998, « Métropolisation et archipels commerciaux : le Grand Marseille et ses enseignements », Les Annales de La Recherche Urbaine, n°78.
FRENCHMAN, D, ROJAS, F. (2006) Zaragoza’s Digital Mile: Place-Making in the New Public Realm. Media and the City. 18 n° 2. The H.W. Wilson Company.
LEMARCHAND, N. (2009) Géographie du commerce et de la consommation : les territoires du commerce distractif. CHEMLA, G. (dir.), Université Paris IV-Sorbonne.
STAEHELI, L.A. MITCHEL, D. (2006) USA’s Destiny? Regulating Space and Creating Community in American Shopping Malls. Urban Studies, Vol. 43, n° 5/6. Routledge
STRICKLAND, R. (2006) From Tiles to Pixels: Media and the City. Media and the City. 18 n° 2. The H.W. Wilson Company
TAUBER, E.M. (1972) Why Do People Shop ? Marketing Notes and Communications. Journal of Marketing, vol.36. American Marketing Association
David Law chune, Sandrine Dufresne-Aubertin & Marie-Joëlle Tétreault
Dans l’esprit de l’urbanisme tactique, entre-Actes est une installation nomade redessinant le paysage commercial périphérique de Québec afin d’amplifier le potentiel d’interaction sociale et de synergie citoyenne qui s’y dissimule. S’implantant sur le seuil du bâti commercial existant, il s’attaque à la banalité spatiale des lieux du quotidien mutant sous diverses formes d’espaces publics grâce à sa modularité physique et numérique. La raison d’être de la ville La ville, à la base, est le résultat d’un désir d’échange et de commerce. « Les villes sont l’oeuvre des marchands, elles n’existent que par eux» (Pirenne in Lemarchand, 2009 : 12) Bien que cet aspect commercial ait toujours existé, sa place dans le tissu urbain et son rapport au territoire a fondamentalement été modifié :
« Le commerce se trouve au coeur du débat sur la ville de demain ou du moins de celle qui semble émerger à l’heure actuelle : nouvelles centralités périphériques qui remettent en cause le leadership des centres traditionnels, nouvelles pratiques de consommation, «ville autoroutière»... Au modèle de la ville traditionnelle se substitue un modèle de ville-territoire constitué d’un patchwork de centralités multiples calé sur la structuration de l’offre commerciale. » (Fellmann et Morel 1998 : 21)
Le commerce de grande surface
Les aires de consommation de la ville nord-américaine contemporaine développent principalement le modèle du commerce de grande surface que l’on retrouve dans les grands centres commerciaux ou les power centers. Ce sont aujourd’hui, à l’image de la rue commerciale ou du square dans les centres denses, les espaces en périphérie du centre les plus fréquentés par les habitants. Ces points de convergence sont le théâtre de relations sociales multiples. (Staeheli et Mitchell, 2006) Effectivement, plusieurs motivations nous poussent à se rendre dans ces lieux de consommation qui ne sont pas limitées au désir ou au besoin d’acheter. Des motivations personnelles telles que l’envie de briser la routine, ou de vivre des stimulations sensorielles, s’ajoutent aux motivations sociales d’interaction et de communication avec autrui. (Tauber, 1972)
Rupture avec la ville
Le projet s’insère à l’interface entre la ville et les lieux de commerce du quotidien constitués principalement de supermarchés en périphérie (IGA, Métro, Loblaws, IGA et Costco, etc.), mais aussi d’autres grandes surfaces (Wal-Mart, Dollorama, etc.) Ces espaces privés, régis par une logique de rentabilité économique, sont le plus souvent insérés en rupture avec les tissus urbains existants laissant une place prédominante à l’automobile et imposant une piètre qualité spatiale pour le piéton. Malgré leur potentiel social, les entrées des grandes surfaces, à caractère générique et fonctionnalistes, ne sont pas aménagées pour inspirer l’arrêt et le partage. Comment explorer les possibilités de ces entre-deux, de ces seuils entre ville, stationnements et grands commerces?
Investir le seuil
Le projet investit ces entrées d’espaces commerciaux, entre sphère privée et «espace public » afin de créer de l’urbanité et de l’interaction sociale. Entre-Actes est un espace extérieur couvert à l’échelle humaine, enveloppant le bâti et prenant la forme des activités que l’on veut y développer. À mi-chemin entre mobilier urbain et architecture, l’installation repense l’assemblage des éléments courants du paysage commercial (bancs, panneau d’affichage, etc.) afin d’offrir un espace convivial et attractif pour les utilisateurs. La structure permet la mise en scène d’une variété d’activités et donne « une épaisseur habitable » au seuil, une invitation à l’arrêt.
Installation interactive
Par l’insertion d’une dimension numérique, entre-Actes prévoit la requalification de l’espace physique. Contrairement aux prédictions à l’effet qu’Internet et les médias numériques seraient le déclin du contact entre les personnes, ils ont plutôt eu l’effet contraire : « […] many cities are now thriving as media centers; indeed, the temporal and spatial flexibility inherent in new media have actually helped increase and diversify the use of urban space.» (Strickland, 2006 : 4) Les moyens de communication « augmentée » et les médias numériques offrent aujourd’hui de nouvelles façons d’améliorer et d’amplifier les qualités de l’espace public à la manière d’un circuit ouvert de type “open-source”. Provenant du domaine de la programmation informatique, l’open-source permet que n'importe qui puisse modifier et réorganiser le code source d'un morceau de logiciel. Grâce aux ajustements et améliorations des utilisateurs, le logiciel évolue afin de mieux répondre à leurs besoins. Adhérant à ce principe, les nouveaux médias numériques permettent aux surfaces de l’espace public de muter, de véhiculer des messages ou des animations, et ce en fonction des aspirations des usagers qui en déterminent la qualité,l’humeur et le contenu. (Frenchman & Rojas, 2006)
Le projet propose la mise en place d’une installation composée d’écrans tactiles, de projections laissant place à la liberté d’expression grâce au dépôt d’informations à même l’architecture. Entre-Actes est à la fois un wall people numérique et un outil de rencontre physique catalysant le matériel et l’immatériel à l’endroit où se rencontrent le public et le privé. Grâce aux médias numériques, l’architecture devient un médium d’expression, d’échange de biens, d’informations, d’émotions et d’idées ainsi qu’un outil de consultation publique. Le seuil devient imprégné du sens que les utilisateurs veulent lui donner : un lieu interactif, socio-démocratique, où chacun peut s’exprimer et partager ses idées.
Mobilité
Entre-Actes voyage dans la ville chargée de l’expérience des usagers. De par son caractère modulaire, l’installation peut être déplacée de commerce en commerce. S’adaptant aux façades, elle peut être répétée et modifiée afin de s’articuler tel un ruban le long des bâtiments, ou encore s’étendre jusqu’à la rue et devenir moteur de connexions urbaines. La banque de données informelles s’avère alors une source d’information précieuse pour les planificateurs et décideurs qui réfléchissent à la transformation des environnements urbains.